Lors de ma récente installation estivale à La Grand Combe, il fut tout naturel pour moi d’être intéressé par ce qui se trouve en haut de ma rue (Saint Vincent), une petite place giratoire, plus précisément le buste en son centre. La dédicace a tout pour me plaire : “Mathieu Lacroix : poète ouvrier”.
Dans le Nord, ce terme de “poète ouvrier” viendrait à coup sûr évoquer la figure de Jules Mousseron, mineur et créateur de Cafougnette.
Pour en revenir au buste, ce n’est point l’original, celui-ci fut enlevé en 1943 par les allemands, mais le souvenir et l’affection des Grand-Combien.nes pour cet homme du petit peuple le fait perdurer dans l’histoire d’une ville assez récente (1846) qui naquit de l’exploitation charbonnière. Activité qui n’est pas sans lien avec l’oeuvre la plus connue de Lacroix : “Pauro Martino” en occitan (“Pauvre Martine”). Voici son histoire.
Mathieu Lacroix est né à Nîmes (Gard) le 12 Avril 1819. On ne sait rien de son père, car il fut l’unique et tendre fils de Anne Lacroix, une jeune fille-mère, couturière de son état. Malheureusement, il perdit sa mère avant ses 9 ans. Son état miséreux fut un temps réduit par la pitié des Frères où il avait été placé, mais ce temps ne dura pas et il fut confié à un “taffetassier” (nom communément donné dans la région de Nîmes, aux ouvriers confectionnant des taffetas (du persan “taftâ”) : une étoffe de soie unie et brillante). On imagine sans peine, les corvées du jeune Lacroix. De plus, il était soumis aux brimades lorsqu’il revenait sans le sou des quêtes dominicales dans les villages avoisinants. Heureusement pour lui à 12 ans, il croisa le chemin d’une fille célibataire, Suzanne Tilloy qui l’adopta. Mathieu fut alors placé comme apprenti maçon et recevait 6 sous par jour. Il aurait participé avec 5 000 autres comparses aux travaux du pont-aqueduc de Roquefavour (Bouches-du-Rhône) entre 1841 et 1847.
On retrouve notre poète autodidacte lors d’une réunion à Aix-en-Provence le 21 Août 1853. Ce rassemblement d’écrivains qui avaient tous l’uniformité d’écrire en langue d’Oc fut désigné sous le nom de “pélerinage des Trouvères”. Un an plus tard, le 21 Mai 1854 au château de Font-Ségugne (près d’Avignon) se créa Le Félibrige (“lou Felibrige”), une association toujours existante, qui voulait restaurer et “institutionaliser” la langue d’Oc. Tout le monde connait au moins l’un sept jeunes fondateurs : Frédéric Mistral. Ci-dessous, voici réuni les fondateurs, les “primadié” des “Felibres”.
Le groupe de "Primadié" en 1854 à Font-Ségugne.
De gauche à droite : au premier rang, Frédéric Mistral, Joseph Roumanille, Jules Giéra ; au second plan, Théodore Aubanel, Paul Giéra, Alphonse Tavan et celui que Roumanille qualifiera dans sa correspondance de "troubadour inconnu".
(Source iconographique : Achille REY, Frédéric Mistral : Poète républicain, Cavaillon : Imprimerie Mistral, 1929, p.31.
Original conservé au Palais du Roure, Avignon)
- Journal hebdomadaire - L’artiste méridional, 16 Décembre 1855, p.3 - article de Maurice Bouquet - voir site BNF Gallica
Le patrimoine a voir dans le coin
La Maison du Mineur à La Grand Combe (Gard), ancien Puits Ricard
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