Le châtaignier
Castanea Sativa (Châtaignier commun, d'Europe), dit ici « Arbre à pain » des Cévennes – châtaigne blanche = bajone en Occitan.
Cet arbre est l'un des emblèmes des Cévennes, au même niveau que le Protestantisme, comme en témoigne son inclusion dans l'hymne local :
« O vétérans de nos
vallées,
Vieux châtaigniers aux bras tordus,
Les cris des mères désolées,
Vous seuls les avez entendus.
Suspendus aux flancs des collines,
Vous seuls savez que d’ossements
Dorment là-bas dans les ravines,
Jusqu’au grand jour des jugements. »
extrait de La Cévenole
(Ruben Saillans / musique L. Roucaute - 1885)
Le nom Castanea (« Chaste Néa ») viendrait de la mythologie gréco-romaine et rapporté, expliqué dans un texte de Laurentius Legatus de Crémone issu de la Renaissance italienne du 16e siècle. La nymphe Néa (compagne de Diane), se refusant aux avances de Jupiter, se serait suicidée après son viol. Jupiter l'aurait alors transformé, comme un hommage, en châtaignier, puisque le bogue est couvert de piquants.
Mention dans le premier poème des Bucoliques de Virgile (-70 / -19 av JC).
Dans le dernier vers du dialogue avec Mélibée, Tityre dit : « Ici, du moins, tu aurais pu te reposer, avec moi cette nuit, sur des feuilles vertes ; nous avons des fruits mûrs, des châtaignes moelleuses et du fromage frais en abondance (...) ».
L'historien Tite-Live (59 av. / 17 ap. JC) rapporte que lors de la Guerre des Gaules, Jules César aurait fait abattre ou brûler des châtaigniers pour affamer les populations.
Plus près de nous, du moins géographiquement, non dans le temps, on a découvert des traces fossilisées, notamment en Ardèche grâce au géologue Bernard Riou qui a ainsi pu démontrer sa présence (avant une première extinction) il y a 8 à 9 millions d'années (Miocène / âge Tertiaire).
Le châtaignier revient lors de l'Antiquité.
Mais c'est réellement à partir des XIe-XIIIe siècles que la Castanéiculture va couvrir les pentes Cévennoles, allant même jusqu'à 1 200 m. altitude, avant de redescendre entre 500 et 850 mètres après « le petit âge glaciaire » compris entre 1560 et 1830. Le châtaignier remplace le labour pour les céréales, la vigne, les chênes verts / pubescents. Le cévenol en fait la base de son régime alimentaire, d'où son nom « d'arbre à pain », mais aussi de sa vie culturelle et sociale (ruches troncs, bruscs / ameublement / cercueil...).
On se rassemble lors des veillées pour l'afachadas, faire cuire des châtaignes fraîches dans une poêle percée, on les déguste avec de la Cartagène (apéritif à base de cépage, marc et eau-de-vie exclusivement du Languedoc). Plus communément, le Cévenol buvait l'hiver le bajanat, bouillon de châtaignes sucré avec une cuillerée de lait ou du vin.
"(...) Le Cévenol se nourrit mieux que les autres Lozériens et s'il a moins de laitage sur la table que les montagnards, c'est que la châtaigne qu'il mange été comme hiver,
en tient lieu. La châtaigne est le fond de sa nourriture
et la misère est grande lorsque la récolte de ce fruit est mauvaise".
Extrait de La Lozère - Ernest et Gustave CORD / Armand Viré - 1900
Bien que déjà présents d'une certaine manière sur les tables de Versailles ou de Talleyrand, ce n'est qu'en 1882 qu'est inventé le « marron glacé » par Clément Faugier à Privas. Et à cause des pertes liées à cette confiserie, en 1885, invention de la crème de marron.
Quelques noms de notre coin ayant un rapport avec la châtaigne
Les Taillades désigne les châtaigniers destinés à la coupe pour bois.
Le Castanet = une châtaigneraie.
A son apogée en 1862, la châtaigneraie Cévenole couvre 142 000 h. (82% du territoire du Collet-de-Dèze) soit la 2e position derrière les 266 000 h. du territoire Aveyron, Lot, Corrèze, Dordogne, Haute-Loire, et largement devant les 29 000 h. Corse.
Son recul sera le fait de la culture du mûrier (feuilles nécessaire à la base alimentaire du ver à soie – liée à la dévastation de la châtaigneraie suite à l'hiver 1709) et à l'apparition de la maladie de l'encre en 1871, puis de l'écorce en 1956 et enfin depuis 2011 de la cynips (petite guêpe Chinoise).
Recherche, rédaction : Maxime Calis, guide-conférencier - 19 Octobre 2019
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