J'ai vraiment aimé le Corinne ou l'Italie (1807) de Madame de Staël, l'unique femme, et il y eût peu d'hommes, qui se heurta frontalement à l'Empereur du Consulat à l'Empire.
La misogynie naturelle et sociétale de l'Empereur, bien que pouvant être à l'origine des plus belles lettres d'amour que je connaisse, les reculs envers la reconnaissance du droit des femmes par rapport aux propositions de l'ère révolutionnaire, donnent aujourd'hui une bien mauvaise image de Napoléon. Inscrit dans la continuité du paternalisme, de culture Corse et applicateur du droit romain, le bilan à nos yeux de contemporains est de fait une catastrophe. Je n'excuse rien, il y a les faits, il y a l'époque, l'inertie masculine (en amélioration) toujours active 200 ans plus tard.
Indéniablement c'est par son génie militaire et politique que Napoléon se hissa au pouvoir. Pourtant, le pouvoir de l'époque s'imposait alors autant sur un champ de bataille que paradoxalement lors de réceptions, de fêtes et de dîners. Les protagonistes y étaient féminines ; elles se nommaient Tallien, Joséphine, Madame de Récamier. Ces dames suivaient en cela la tradition des salons du temps des Lumières, et leur phare, bien que "moins sexy" que ces autres dames, celle qui en était le trait d'union se rappelle à nous du nom de Germaine de Staël.
Fille du banquier Suisse Necker ! Necker (on peut prononcer "Neckre"), un nom qui est entré dans l'Histoire en étant certainement le seul banquier qui causa dans un premier temps une Révolution en sa faveur ! Voilà qui vous pose la paternité. Une vie d'exil, de réceptions, d'écriture, de voyages, d'intrigues amoureuses et passion avec des compagnons d'aventure se nommant Benjamin Constant ou Chateaubriand.
Il y a toujours eu des femmes avec de l'influence dans l'Histoire en général. Citez moi des Hatchepsout, Zénobi, Catherine de Médicis, Indira Gandhi. Elles restent car nous avons leurs portraits, leurs vies détaillées. A côté d'elles, la multitude, au destin choisissant d'engager le changement ou prudemment en restant à sa place.
Comme cet article traitera principalement de femmes "de la haute", il m'est impossible de leur attribuer toutes entières l'émergence du féminisme et en signalant la place centrale qu'on refuse aux femmes au coeur de l'ère révolutionnaire et dans toutes les révoltes, à l'image du mouvement des Gilets Jaune, comme le témoigne le film "J'veux du Soleil" (Perret / Ruffin) où leurs paroles et actes sont capitaux.
Demandez de citer des noms de femmes de cette période de la Révolution. Le tiercé aura très probablement tiré les noms de "l'Autrichienne" (la reine Marie-Antoinette), de Charlotte Corday et Olympe de Gouges. D'autres pourraient aussi apparaître comme Sophie de Condorcet, Madame Roland, rare sont ceux qui citeraient Pauline Léon et Théroigne de Méricourt. La variété de leurs opinions, l'engagement déjà gauche / droite se rassemble sur un résultat commun. Femmes fortes, connues ou non, elles ont influencé, pesé, infléchit, rompu le cours du temps de la domination masculine. Avant-gardistes, elles en ont souvent payé le prix fort : de leur vie (Olympe de Gouges, Manon Roland), de leur santé mentale (Théroigne de Méricourt). Mais indéniablement, la femme en arme du faubourg Saint-Antoine au-devant de la Bastille, la cohorte allant à Versailles en Octobre 1789 pour réclamer "du pain", de celles qu'on surnomme "tricoteuses" aux tribunes de la Convention ou des mondaines de salon du Directoire, par delà leurs approches différentes, sont à l'image de leurs homologues masculins et méritent une place égale dans l'analyse de cette époque.
« Je chéris ces fers où il m’est libre de t’aimer sans partage »
Madame Roland, lettre à Buzot 1793
mais qui n'a jamais prononcé ces mots célèbres au moment de son exécution, ils sont apocryphes et de Lamartine
"Oh Liberté , que de crimes on commet en ton nom !"
Clyde Marlo Plumauzille, docteur en Histoire à l'Institut d'Histoire de la Révolution française
(Université Paris I Panthéon - Sorbonne) décrit le rôle des femmes dans la Révolution française
1. Le droit des femmes, une lutte toujours actuelle
La société d'ordres (Clergé, Noblesse, Tiers-Etat), et au dedans, les femmes soumises à un statut de mineures ; à la nuance des femmes nobles, propriétaires, ainsi que des responsables d'une communauté religieuse, qui eurent la possibilité d'accéder au droit de vote pour la désignation des députés aux Etats-Généraux. Disparités déjà de droits entre femme qui se traduiront par la puissance et l'entrain déclencheur des femmes à en conquérir aux grands moments de l'Histoire : Versailles 1789 où l'on voit la meneuse Théroigne de Méricourt, la Commune de Paris avec Louise-Michel ou les ouvrières de Pétrograd en février 1917. La frange Jacobine et Montagnarde s'en méfia et fin 1793 pris la décision de fermer au bout d'à peine quelques mois, le club politique la Société des républicaines révolutionnaires de Pauline Léon et Claire Lacombe. Issues du peuple, vindicatives contre l'ordre bourgeois et machiste, ces femmes sont à "l'extrême-gauche" du spectre politique, proches des Enragés de Jacques Roux. Et sachez que le premier club fondé : La Société patriotique et de bienfaisance des amies de la vérité (1791-1792) était totalement réservée aux femmes, donc l'ancêtre des fameuses et décriées "réunions non-mixtes".
Toutefois, dès la première constitution, les femmes accèdent à la majorité civile, peuvent témoigner dans les actes d'états civils, accéder à la propriété et créer une autorité parentale double reconnue pour les 2 parents. Avec la République en septembre 1792, le divorce devient possible pour les femmes1. Mais le droit de vote leur est encore refusé ; chez les hommes, en 1791, ce droit est d'abord censitaire, possible qu'au plus de 25 ans payant un "cens" équivalant à trois journées de travail. Devenu peu de temps universel en 1793, puis à nouveau censitaire sous le Directoire, son retour se verra encadré par trois niveaux d'électeurs (listes de confiance) sous le Consulat et l'Empire.
En 1804, Napoléon, avec le Code Civil (ou Code Napoléon), reviendra très largement sur ces nouveaux droits. Mais que penser lorsqu'un Anglais, le conservateur-libéral Edmund Burke décrète en 1816 que ces droits aux femmes ont créé un "système de moeurs le plus licencieux, le plus dépravé et même temps le plus grossier, le plus sauvage et le plus féroce" ? L'égalité des sexes si chère à nos yeux n'avait pourtant pas que des ennemis, à l'image de Condorcet ou du philosophe utopiste socialiste, Charles Fourrier : « En thèse générale, les progrès sociaux et changements de période s’opèrent en raison du progrès des femmes vers la liberté, et les décadences d’ordre social s’opèrent en raison du décroissement de la liberté des femmes […]. L’extension des privilèges des femmes est le principe de tous les progrès sociaux. » (Théorie des Quatre Mouvements – 1808).
Comparons avec nos voisins Britanniques2. Le droit de vote des femmes ne fut complètement autorisé au Royaume-Uni qu'en 1928 après l'abnégation des Suffragettes, rejoignant les Belges, les Allemandes, les Suédoises, donc largement bien avant son vrai sens "Universel" tardif en France en 1944. Longueur causée par le refus des sénateurs Radicaux à faire cette réforme sociétale capitale.
Concernant le divorce, il est gardé dans le Code Napoléon, dit-on, pour avoir une raison en cas d'impossibilité de descendance avec Joséphine ! C'est au temps de la libérale Charte de Louis XVIII, mais qui se couple à un retour à l'ordre naturel des sexes d'antan, qu'est interdit le divorce en 1816, avant qu'il ne revienne en 1884, et à nouveau limité par Vichy, puis rétablit. En Angleterre, le divorce est rendu possible en 1857.
Les autres droits, notamment ceux liés au droit de disposer de son corps seront encore plus durs à conquérir. Les femmes, LGBT savent ce qu'il en coûte encore dans bien des pays, voir même de tenter de les maintenir (Pologne).
2. Le rôle central des "SOCIETES" OU "salons"
Paradoxalement, c'est au sein des salons parisiens appelés alors "sociétés" animées par d'illustres femmes, où outre les scènes équivoques de séduction, se tenaient le pouvoir et la circulation des savoirs, qui furent le point d'appui du général Vendémiaire pour se hisser au premier rang. Le même qui écrivait en 1795 à son frère, Joseph : "Les femmes sont l'âme de toutes les intrigues, on devrait les reléguer dans leur ménage, les salons du gouvernement devraient leur être fermés".
Issue de la volonté de la noblesse de se recréer des mini-Versailles, tout au long du XVIIIe siècle se multiplie et s'accroît le rôle du salon3. Le rôle des sociétés du Palais Royal avant la Révolution est capital dans la mutation politique aussi bien que dans la vie parisienne, et tout cela avec au coeur du dispositif les femmes de la noblesse et de la bourgeoisie.
La noblesse et le clergé sont au devant de la prise du pouvoir par la bourgeoisie, et se partageaient irrémédiablement entre ceux du "parti de la cour" et ceux, comme Talleyrand ou Sièyes qui se rendaient dans le cercle de la famille de Germaine de Staël, rue de la Chaussée d'Antin ou dans leur château de Saint-Ouen. Guerre d'indépendance des Etats-Unis, théâtre, concepts libéraux, lutte contre l'esclavage, partie musicale, discussions politiques et philosophiques, on s'imagine très bien l'ambiance, et la qualité des opinions fortes surtout que lorsque l'invité est Condorcet, dont l'épouse Sophie de Grouchy, tenait un salon concurrent à l'Hôtel de la monnaie. Celui de l'épouse de Necker, Suzanne Chuchord, y associe son unique fille qui, lorsque la Révolution éclate, tient déjà toutes les promesses de son destin : érudite, savante, affectueuse, passionnée, ouverte aux idées libérales. Le tournant de la Révolution en 1792 amène Germaine à son premier exil en Angleterre.
Dès son retour en Mai 1795, elle publie Ses réflexions sur le procès de la reine, plaidoyer pour la condition féminine. Germaine de Staël se retrouve au coeur des salons, dîners et fêtes du Directoire où se mélangent les anciens Conventionnels et les tenants du parti royaliste qui s'appuient sur l'extravagance vestimentaire et la violence réactionnaire des Inc(r)oyables et Me(r)veilleuses. Les femmes sont les reines de cette période, elles se nomment Thérésa Tallien ("Notre-Dame de Thermidor"), Rovère, Julie Talma, Juliette Récamier ou Joséphine de Beauharnais. Et Germaine en est l'attraction principale.
"Staël à tous les partis commande en souveraine ;
Toutes les factions assistent à sa cour ;
Chez elle, on voit s’assembler nuit et jour
Le Centre, le Marais, la Montagne et la Plaine"
Le Messager du Soir, 11 vendémiaire (3 octobre). (Cf. AULARD, Réaction thermid., t. II, 215.)
Impatiente et ayant même en tête de le conquérir, Madame de Staël rencontre chez Talleyrand, le 3 Janvier 1798, le général Bonaparte tout juste de retour de la campagne d'Italie. Elle l'admire... jusqu'à cette question : "Général, quel est pour vous la première des femmes ?" et la réponse "Celle qui fait le plus d'enfant, Madame !". Curieux de s'imaginer la scène et le destin tragique de celle qui entend probablement la réponse en se trouvant non loin du général Bonaparte : Marie Joséphine Rose Tascher de la Pagerie, plus connue sous le nom de Joséphine (de Beauharnais).
Dans la belle-famille de Joséphine, mention à Marie-Anne Françoise "Fanny" Mouchard, comtesse de Beauharnais. Elle est l'épouse de l'oncle d'Alexandre de Beauharnais, premier mari de Joséphine, général guillotiné en 1794. Et pourtant "Fanny" s'illustre en tenant l'un des salons les plus révolutionnaire de son temps (ode à Marat), contemporain de celui des Roland, figures eux du mouvement Girondin4. Après la "Terreur", "Fanny" recrée un autre salon aux côtés de son infortunée nièce, au 6 rue Chantereine. C'est là que Bonaparte y fit une cour passionnée à Joséphine quelques jours après l'épisode du 13 Vendémiaire (5 Octobre 1795) se concrétisant par un mariage civil le 9 Mars 1796. Quelques jours plus tard, l'amoureux fou se rendait dans la région de Nice pour planifier la première campagne d'Italie.
On prête à l'Empereur ces mots : "En guerre comme en amour, il faut se voir de près". Ce ne fut pas de l'amour et de la reconnaissance qui façonnèrent leur destinée contemporaine. C'est une opposition viscérale qui opposa, dès le début du Consulat, Germaine de Staël à Napoléon. Il y eut une sorte "de guerre", mais elle se fit de loin, empêchée d'accéder à Paris, en exil en Allemagne, en Italie, en Angleterre. Seule ou presque, Germaine de Staël écrivit quelque uns des textes, romans philosophiques qui révolutionnèrent son temps et mirent un sacré coup à l'image de l'Empereur.
3. "Delphine", "CORINNE ou l'italie" et "DE l'ALLEMAGNE"
En 1802, Madame de Staël publie Delphine, long roman épistolaire qui épouse une forme romanesque alors très en vogue ; songez aux Liaisons Dangereuses de Choderlos de Laclos, à La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau ou Aux Souffrances du jeune Werther de Goethe. Critique de la condition féminine dans le milieu aristocratique entre 1789 et 1792, elle pointe habilement du doigt les freins de la libération féminine à l'aune de l'espérance révolutionnaire et du retour en arrière que constituera le Code Civil ("la loi n'est sévère que pour les victimes, elle se charge de river les chaînes sans pouvoir influer sur les circonstances qui les rendent douces ou cruelles ; elle semble dire : - Je ne puis assurer votre bonheur, mais je garantirai du moins la durée de votre infortune").
En 1802, comme de nos jours, le refus de rester à sa place, de se libérer de son statu social, de rompre "l'harmonie sociétale" établie, indispose, énerve, fait peur. En 1981, Claudine Herrmann décrivit parfaitement cela : "La révolution a eu lieu, mais une femme parle et le tollé est général". Pensez aux controverses actuelles où la place et la parole des "victimes", des "minorités" est systématiquement prise par d'autres, souvent des mâles blancs CSP+, à l'image des fréquents "débats" sur le port du voile où les intéressées sont mises au banc, ignorées sur les plateaux ; ou lorsque le Président Macron s'énerve devant la place médiatique "de Jojo le Gilet Jaune" qui, pour lui, ne saurait avoir la même nature analytique et poids d'opinion que celles émises par un ministre ou "les chiens de garde" médiatiques, politiques et économiques. Et le Premier Consul n'est pas en reste en décrétant que Delphine n'est que "de la métaphysique de sentiment et du désordre d'esprit" (cité par M. de Bourienne).
La sentence ne se fait pas attendre, dès Octobre 1803, il est désormais impossible à Germaine de Staël d'approcher à plus de quarante lieues de la capitale5. Cet acte d'autorité attentatoire aux libertés est typique la politique d'ordre public du Premier Consul. L'exil, l'emprisonnement de ses opposants de la scène politique et intellectuelle, la main mise sur la presse, sans commune mesure bien sûr avec les mesures fortes des régimes totalitaire du XXe siècle, accable le bilan libéral que cherchera à se construire l'Empereur dans le Mémorial de Sainte Hélène. Toutefois, il est notable de constater que l'Empereur laissera bien souvent ses opposants et rivaux relativement tranquilles, d'autant plus si ceux ci s'appelaient Talleyrand ou Chateaubriand, quand ce n'est pas à en placer de futurs à d'éminents postes (Maréchal Bernadotte).
Prenant prétexte du terrible attentat contre sa personne en la rue Saint Nicaise la nuit de Noël 1800, le Premier Consul emprisonne, envoie au bagne 133 de ses opposants "jacobins" (dont la veuve de Marat) alors qu'il sait très bien que cet attentat fut fomenté par les réseaux royalistes. Ce n'est que partie remise avec les exécutions du duc d'Enghien et du meneur des Chouans, Georges Cadoudal en 1804.
La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen avait en son article 11 établit la liberté de la presse et d'opinion. Féconde et multiple jusqu'en 1792, la presse sera au fil des ans et des régimes successifs réduite à peau de chagrin ; le 5 février 1810, la censure est rétablie (« le droit d’imprimer n’est pas du nombre des droits naturels» - Napoléon). En 1811, là où Paris comptait plus de 300 périodiques au début de la Révolution, l'information s'y résume à quatre, et à un seul par département.
Devenue la propriétaire du château de Coppet (frontière franco-suisse, sur les bords du lac Léman) à la mort de son père Jacques Necker le 9 avril 1804, Germaine de Staël y réunie ses ami.es. Ce que l'on désignera plus tard sous le nom de "groupe de Coppet" incarnera l'opposition intellectuelle à l'Empire ; Staël s'environne de son ami et confident Benjamin Constant, de Lord Byron, de Chateaubriand et de bien d'autres philosophes, écrivains venus de l'Europe entière.
Mais Germaine de Staël ne reste pas casanière, elle prend une première fois la route, fin 1803-printemps 1804, vers les états allemands. Elle se passionne et apprend la langue allemande, découvre ses paysages, ses coutumes, sa vie intellectuelle et littéraire féconde, rencontre Goethe ou Schiller, bref elle est au coeur de la naissance du Romantisme allemand. Elle en tirera un De l'Allemagne (4 tomes), qui bien que pilonné en 1810, réussit à être publié en 1813. Elle y introduit avec verve la culture allemande qu'elle oppose à la France (Napoléonienne) alors hégémonique dans la culture européenne. L'étoile de Napoléon au sein des peuples allemands est ambivalente. Ludwig van Beethoven retire rageusement sa dédicace à Napoléon sur la page titre de sa 3e Symphonie (Héroïque) lorsqu'il apprend la création de l'Empire. Lors de la très rapide campagne de Prusse de 1806, le philosophe Hegel rencontre l''Empereur la veille de la bataille d'Iéna et s'enthousiasme : "J'ai vu l'Empereur – cette âme du monde – sortir de la ville pour aller en reconnaissance ; c'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré ici sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le domine" .
D'après Las Cases, le mardi 13 Août 1816, Napoléon se met à relire le Corinne ou l'Italie de Madame de Staël. Près de dix ans après sa publication, ce roman demeure un sujet de rancoeur de la part de l'Empereur : "Je la vois, je l'entends, je la sens, je veux la fuir et je jette le livre". C'est lors de son voyage initiatique en Allemagne en 1804 qu'elle change soudainement de projet suite à un opéra traitant d'un amour impossible (La Saalnix). A l'heure où la France assiste au sacre de Notre-Dame, Madame de Staël entame un voyage complet dans toute l'Italie (Turin, Rome, Naples, la Vésuve, Venise, Milan) jusqu'en mai 1805. Elle consigne dans ses carnets, idées, coutumes locales curiosités touristiques qui viendront s'imbriquer dans cette histoire d'amour romantique entre une poétesse Anglo-Italienne (Corinne) et un jeune aristocrate Lord Oswald Nevil. Temporellement placé avant la campagne d'Italie de 1796, ce roman ne pouvait que déplaire à l'Empereur. Corinne y est spirituelle, libre, chantre de l'unité et de l'indépendance des peuples de l'Italie, ses compagnons sont un Ecossais et un émigré français royaliste, le comte d'Erfeuil ; l'Empereur dira à Sainte Hélène : "Je ne puis pardonner à Madame de Staël d'avoir ravalé les Français dans son roman".
Obligée à l'exil à partir de 1812, elle se réfugie en Angleterre après un voyage toujours instructif et relationnel en Russie et en Suède. De retour en France aux côtés des Bourbons au printemps 1814, en libérale et fidèle aux acquis de la Révolution d'avant 1792, elle ne peux apprécier les prétentions réactionnaires des "ultras". Elle visite l'ex-Impératrice Joséphine à La Malmaison quelques jours avant le décès de cette dernière, et l'épuise par ses questions sur les relations amoureuses de l'Empereur. Puis, curieusement, semble jouer double-jeu en prévenant l'Empereur, alors "souverain de l'île d'Elbe", de possibles tentatives d'assassinat6.
Une attitude curieuse qui rejoint celle de son ami Benjamin Constant qui retourne subitement sa veste lors du "Vol de l'Aigle" ; libéral affiché et opposant notoire depuis 1800, Constant est d'abord furieux du retour de l'Empereur, puis fait mine de croire à la sincérité du message libéral de l'Empereur lors des Cent Jours. Benjamin Constant s'illustre comme le penseur de l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire (Avril-Mai 1815) qui introduit l'élection des maires dans les communes de moins de 5000 habitants ou le droit d'amendement de la Constitution par les représentants du peuple.
La chute définitive de l'Empereur en Juin 1815 marque également la fin de Germaine de Staël. Victime d'oedèmes aux jambes, tentant de moins souffrir par la prise d'opium, sa santé décline vite ; en Février 1817 elle est paralysée. Elle disparaît, tout un symbole, le 14 Juillet 1817, d'une hémorragie cérébrale.
Sources
1. https://www.lhistoire.fr/t-elle-fait-régresser-la-cause-des-femmes
2. http://loiseaumoqueur.com/?p=4386
4. https://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_2006_num_344_1_2908
5. "Madame de Staël, dans sa disgrâce, combattait d'une main et sollicitait de l'autre. Le Premier Consul lui fit dire qu'il lui laissait l'univers à exploiter, qu'il lui abandonnait le reste de la Terre et ne se réservait que Paris, dont il lui défendait d'approcher. Mais Paris était précisément l'objet de tous les voeux de Madame de Staël. Le Consul fut inflexible..." (Mémorial de Sainte Hélène, Mardi 13 Août 1816)
Écrire commentaire
Pascal (lundi, 26 avril 2021 23:10)
Travail de recherches et de synthèse. Tu continue et approfondis tes connaissances sur une de tes périodes préférées "le 1er Empire ". Et en plus tu mets tout cela en partage. Bravo, on apprend plein de choses.